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L'actu Verte
29 mars 2010

L'appel de Rio pour des villes durables et plus justes

Refonder la fabrique de la ville : c'est l'objectif de la Campagne urbaine mondiale, lancée par l'ONU-Habitat, vendredi 26 mars, lors de la clôture du 5e Forum urbain mondial, à Rio de Janeiro. C'est aussi le but de la Déclaration de Rio pour le droit à la ville, la démocratie et la justice sociale, adoptée la veille par son double alternatif, le Forum urbain social, même si les deux initiatives s'opposent sur le rôle dévolu au peuple des villes dans cette révolution urbaine.

L'appel des Nations unies à tisser de nouveaux partenariats entre autorités publiques, société civile et secteur privé vient conclure une semaine de conférences et d'ateliers qui ont vu près de 14 000 fonctionnaires, ministres, maires, professionnels, chercheurs ou militants plancher sur "la réduction de la fracture urbaine". Il traduit une réalité dramatique : tantôt livrée à l'anarchie, tantôt laissée à un marché sans garde-fous, l'urbanisation des pays en développement a tourné au cauchemar.

Un milliard de citadins "croupissent" dans des bidonvilles "honteux", pour employer les mots de la directrice de l'ONU-Habitat, la Tanzanienne Anna Tibaijuka. Chaque mois, la population de ces taudis s'accroît de 500 000 habitants. Une fatalité ? Non, un défaut de gouvernance et de régulation, dénonce l'agence : "La fracture spatiale ne reflète pas seulement les inégalités de revenus, elle est aussi le produit dérivé des marchés foncier et immobilier déficients, de mécanismes financiers inefficaces et d'une mauvaise planification urbaine."

Sonnant la mobilisation générale, la Campagne urbaine mondiale "veut réunir tous les acteurs intéressés par la croissance des politiques publiques et des investissements privés", explique son coordinateur, Nicholas You, conseiller spécial auprès de Mme Tibaijuka. "Elle offrira une plate-forme de discussion à des gens qui normalement ne se rencontrent pas, comme les habitants des bidonvilles et les grands groupes privés." Siemens et Veolia font partie des premiers signataires, comme la région Ile-de-France ou l'ONG Habitat for Humanity.

Un premier panel de cent villes volontaires servira de laboratoire. "Les points de vue de chaque ville s'exprimeront et les politiques urbaines seront analysées collectivement pour comprendre les processus d'évolution vers un urbanisme durable, et partager en temps réel les expériences et les apprentissages", précise M. You. Parmi les premières engagées, des villes du Sud, comme Bombay (Inde), Rabat (Maroc), Alep (Syrie) ou Cotonou (Bénin), mais aussi quelques cités du Nord, comme Alicante (Espagne) ou Philadelphie (Etats-Unis).

En appelant à une "coproduction" de la ville par l'ensemble de ses acteurs, et notamment les habitants des bidonvilles eux-mêmes, les Nations unies soulignent qu'il ne suffit pas d'améliorer l'habitat. Le "droit à la ville" défendu par l'ONU exige de reconstruire non seulement un territoire bâti, mais aussi un espace de citoyenneté. "Il est important que les pauvres soient les acteurs des interventions, et non seulement leur objet", affirme la déclaration finale rédigée par l'ONU, à Rio.

Le Forum urbain social ne dit pas autre chose. Mais à côté du texte voté dans un entrepôt désaffecté du port de Rio par l'assemblée de militants syndicaux et altermondialistes, d'associations de pauvres, de groupes de femmes, la déclaration adoptée par l'ONU-Habitat sous la pression de cet encombrant voisin paraît bien édulcorée.

"On n'obtiendra pas la justice urbaine simplement en la demandant, c'est un combat", explique Guilherme Marques, organisateur du Forum urbain social et doctorant en politiques publiques urbaines à l'université fédérale de Rio. "Pour concrétiser le droit à la ville, nous devons changer la logique même de la ville. Le modèle néolibéral des gouvernements et les institutions internationales, qui considèrent la ville comme une entreprise, est destructeur pour le tissu urbain et conduit à expulser les plus pauvres au profit de riches projets immobiliers, pas à mener une politique d'habitat populaire."

Vétéran de la bataille des bidonvilles, l'Indien Jockin Arputham ne croit pas davantage aux discours vertueux des autorités réunies à Rio. Pour le fondateur et président de Slum Dwellers International, une fédération d'associations d'habitants de taudis de trente-huit pays, "la seule façon d'en finir avec les bidonvilles, c'est de miser sur la capacité des communautés pauvres à mobiliser une épargne collective et à mettre elles-mêmes en oeuvre leurs solutions, mieux adaptées et moins chères que les programmes officiels".

Pour Mme Tibaijuka au contraire, "les habitants des bidonvilles doivent être entendus, mais la société civile et le microcrédit ne peuvent pas changer la donne. Pour résoudre la question du logement, seuls les gouvernements et le secteur privé ont les moyens d'agir à une échelle significative".

Deux voies divergentes pour une même urgence : les villes du Sud devront accueillir près de 3 milliards d'habitants supplémentaires d'ici à 2050. La quasi-totalité de la croissance de la population mondiale.

Grégoire Allix

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