Aux îles Chagos, protection de la nature et droit au retour s'affrontent
La protection de l'environnement et le respect des droits de l'homme vont le plus souvent de pair. Les îles Chagos, colonie britannique en plein milieu de l'océan Indien, font toutefois exception à cette règle. La création par la puissance tutélaire de la réserve naturelle maritime la plus étendue au monde - soit une surface de 650 000 km2 d'eau parmi la plus pure de la planète - alimente une vive controverse.
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"Il s'agit d'un pas majeur dans la protection des océans" : le secrétaire au Foreign office, David Miliband, a qualifié d'"historique" la décision annoncée le 1er avril, visant à transformer l'archipel des Chagos en site de référence pour la recherche scientifique.
En effet, ce lieu idyllique est un refuge pour quelque 76 espèces menacées comme les tortues de mer ou les oiseaux marins. Par ailleurs, les fonds marins autour du British Indian Ocean Territory, l'appellation officielle, abritent un millier d'espèces de poissons. Chagos possède surtout une des plus grandes structures coralliennes de la planète, avec 220 sortes de coraux. La pêche sera désormais interdite dans cette zone d'une incroyable biodiversité.
S'ils ont salué cette mesure de sauvegarde, les écologistes sont dans leurs petits souliers. En effet, cette affaire fait remonter à la surface les effluves de la colonisation britannique. En 1965, Londres a fait expulser par une milice musclée les 1 500 habitants de la plus grande île Diego Garcia pour permettre l'installation d'une base militaire américaine. Les Etats-Unis avaient exigé une île déserte, afin de ne pas avoir à indemniser des habitants pour les destructions et la pollution marine éventuelles.
Soutenus par l'île Maurice, où la plupart des exilés vivent dans des conditions précaires, les Chagossiens exigent de pouvoir retourner dans leurs îles. Le refus britannique est motivé par la crainte de perdre des revenus substantiels en cas de départ des Américains qui règnent en maître sur l'un des derniers confettis de la Couronne. Ainsi, en 2002, la CIA a utilisé l'île à l'insu de Londres pour transférer en secret des terroristes présumés.
La création de la réserve marine a provoqué la colère de l'île Maurice, qui revendique la souveraineté sur l'archipel.
"La défense de l'environnement est un objectif louable", indique le Times, qui regrette cependant que cette protection n'ait pas été établie en collaboration avec le "peuple de Chagos". Pourtant peu suspect de sympathie envers les groupes de défense des droits de l'homme, le journal a critiqué une action qui n'est pas dénuée d'arrière-pensées électorales. A l'approche du scrutin général, qui doit se dérouler sans doute le 7 mai, le premier ministre Gordon Brown, à la traîne dans les sondages, espère ainsi redorer son blason écolo mis à mal par le programme de relance du nucléaire civil.