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L'actu Verte
4 mai 2010

Comment le projet de loi Grenelle II a été détricoté

Le projet de loi Grenelle II doit être examiné par les députés à partir de mardi. Il doit valider concrètement les engagements pris lors du vote de la loi Grenelle I.
AFP/LIU JINLe projet de loi Grenelle II doit être examiné par les députés à partir de mardi. Il doit valider concrètement les engagements pris lors du vote de la loi Grenelle I.

En 2007, Nicolas Sarkozy avait parlé d'un "New Deal écologique", d'une révolution dans la prise des décisions environnementales, d'une nouvelle ère. Deux ans et demi après les réunions du Grenelle de l'environnement, en octobre 2007, l'Assemblée s'apprête à traduire dans la loi les principes de ce "New Deal". Votée à la quasi-unanimité en octobre 2008, la loi dite Grenelle I consistait en une série d'engagements sur la politique environnementale du pays. Après avoir été voté par le Sénat en septembre, le projet de loi Grenelle II, examinée à l'Assemblée entre le 4 et le 7 mai, entre dans le vif du sujet. Il s'agit, selon le ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo, d'un "monument législatif" qui fournira une "boîte à outils" pour appliquer les engagements environnementaux inscrits dans la loi Grenelle I.

"Pour qu'un homme comme moi puisse tenir un discours qui propose tant de changements, (...) pour qu'un gouvernement de la République soit prêt à prendre des engagements publics, il faut de la conviction… Comment voulez-vous que nous ne les tenions pas ?", disait M. Sarkozy dans son discours de clôture du Grenelle (fichier PDF). Crise économique, impopularité présidentielle et pressions intenses aidant, la conviction s'est émoussée et certains engagements ont fait long feu. Initialement prévue dans le projet de loi de finances 2010, mais retoquée par le Conseil constitutionnel fin décembre 2009, la taxe carbone a finalement été abandonnée par le gouvernement en mars, après la déroute des régionales. De la même manière, le projet de loi Grenelle II présenté à partir de ce mardi a été expurgé de certaines des mesures emblématiques. Plus de 1 600 amendements ont été déposés sur les 250 articles du texte de loi. Les députés se pencheront sur le texte dans le cadre de la procédure d'urgence et dans un "temps global" fixé d'avance, ce que permet le nouveau règlement de l'Assemblée.

Eoliennes. Le dossier des éoliennes risque fort de cristalliser l'opposition lors de l'examen de ce texte. Les participants au Grenelle avaient plaidé pour une "réduction du contenu en carbone de l'offre énergétique française" en augmentant   la part des énergies renouvelables à "20 %, voire 25 % en 2020". Le récapitulatif des engagements du Grenelle précise que l'éolien fait clairement partie des options possibles, aux côtés de l'énergie géothermique, photovoltaïque ou hydraulique.

Le député UMP Patrick Ollier a rédigé des amendements à l'article 34 du projet de loi durcissant les formalités et autorisations nécessaires à la construction d'éoliennes. Si les amendements sont votés, ils favoriseront les grands parcs au détriment des éoliennes isolées. En effet, "ces installations doivent constituer des unités de production d'une puissance installée au moins égale à 15 mégawatts et composées d'un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq", précise l'amendement.

Surtout, sous l'influence des groupes de pression éoliens qui ont gagné en importance depuis le Grenelle, un parc éolien serait assimilé à une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), définie comme une "exploitation industrielle ou agricole susceptible de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou nuisances, notamment pour la sécurité et la santé des riverains". Si ces "réglementations sournoises" étaient adoptées, cela "reviendrait à rendre les implantations d'aérogénérateurs tellement incertaines sur le plan du risque juridique que toute une filière prometteuse et porteuse d'emplois sera directement menacée", redoutent plusieurs élus du sud-ouest de la France dans une lettre ouverte à Jean-Louis Borloo, publiée sur Le Monde.fr

Pesticides. En 2007, Nicolas Sarkozy, en conclusion du Grenelle, avait demandé à son ministre de l'écologie de lui "proposer avant un an un plan pour réduire de 50 % l’usage des pesticides, dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent". Mais deux ans et demi plus tard, le même Nicolas Sarkozy semble avoir changé d'avis. "L'écologie, ça commence à bien faire", a-t-il lâché début 2010 au Salon de l'agriculture.

Le projet de loi Grenelle II n'évoque plus les objectifs annoncés par le président de la République en octobre 2007. Il se contente de mesures encadrant la vente et la publicité de ces produits phytosanitaires. L'article 36 du texte réglemente "la mise en vente, la vente, la distribution à titre gratuit, l'application et le conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques". La loi interdira, si elle est adoptée, la publicité pour les pesticides à destination du grand public.

Etiquettes vertes. Dans la partie "mécanismes incitatifs" des engagements du Grenelle, était prévue, au coté de la contribution climat-énergie (taxe carbone), "une indication du prix carbone ou du prix écologique à travers l'étiquetage d'ici à fin 2010". En clair, il s'agissait d'inscrire sur les produits de consommation courante le coût écologique de leur fabrication, de leur emballage, du transport et du stockage. La mesure n'est pas abandonnée, mais son application, si elle est votée, sera précédée d'une longue expérimentation.

"A partir du 1er juillet 2011, et après concertation avec l'ensemble des acteurs des filières concernées, une expérimentation est menée, pour une durée minimale d'une année, afin d'informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié, du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l'impact sur les milieux naturels qui sont imputables à ces produits au cours de leur cycle de vie." Le Conseil d'Etat aura la charge, sur la base du bilan, de fixer, "le cas échéant, les modalités de généralisation du dispositif".

Péages urbains. Limiter la place de la voiture en ville est une des priorités des organisations écologistes. L'instauration d'un péage urbain, comme à Londres, a de nombreuses fois été cité comme une mesure pouvant limiter la présence de la voiture à Paris, même si elle est jugée pénalisante pour les moins aisés. En conclusion du Grenelle, M. Sarkozy avait laissé la porte ouverte à un telle mesure : "Nous donnerons plus de liberté aux collectivités locales pour décider de leur propre politique environnementale. Il appartiendra, par exemple, de librement décider de la possibilité de créer des péages urbains."

Absente de la première mouture du texte, la référence aux péages urbains a été ajoutée par les sénateurs lors de la première lecture en septembre. L'amendement autorisait les villes de plus de 300 000 habitants à instaurer un péage urbain. L'amendement a été supprimé en février par les députés réunis en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. En séance, ces derniers ont cependant la possibilité de soumettre au vote un nouvel amendement réintroduisant ces expérimentations.

Taxe kilométrique pour les poids-lourds. Pour limiter la pollution, les acteurs du Grenelle voulaient dissuader, au moyen d'une taxe appelée "éco-redevance kilométrique", le transport des marchandises par la route (proposition n° 45). Les recettes de cette taxe appliquée aux poids-lourds d'une masse supérieure à 3,5 tonnes devaient alimenter un fonds pour financer d'autres modes de fret, notamment le rail.

La mesure ne figure pas dans le projet de loi. Pour le ministère de l'écologie, la taxe sera expérimentée "quelques mois" en Alsace – région frontalière de l'Allemagne qui a mis en place un mécanisme similaire. M. Borloo assure qu'elle sera généralisée en 2012. Après l'élection présidentielle.

Bâtiment et habitat. Les problématiques énergétique et environnementale dans la construction des bâtiments sont un levier important pour faire des économies d'énergie. Pour l'organisation France Nature Environnement, l'habitat représente 41 % des dépenses d'énergie dans l'Hexagone. A l'issue du Grenelle, les acteurs avaient plaidé pour une obligation de construire des logements en basse consommation, dès 2010 pour les bâtiments publics et le secteur tertiaire, et selon un calendrier s'échelonnant jusqu'en 2020 pour le privé. Si le projet de loi Grenelle II prend en compte ces obligations, il ne reprend pas les mesures préconisées en 2007 concernant le logement ancien. France Nature Environnement regrette que le texte ne soit pas plus exigeant en matière de réhabilitation thermique et de prise en compte de l'énergie grise des bâtiments.

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Commentaires
C
Un merci pour ce petit résumé du projet de loi dite Grenelle II
L'actu Verte
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