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L'actu Verte
17 mars 2010

Des algues toxiques dopées par la fertilisation des océans

Pour lutter contre le réchauffement climatique, certains projets dits de géo-ingénierie envisagent d'ensemencer les océans avec du fer afin d'encourager la capture de CO2 par les phytoplanctons, via la photosynthèse. La douzaine d'essais effectuée à ce jour s'est essentiellement concentrée sur la faisabilité d'une telle stratégie - mettant en évidence son faible rendement.La fertilisation artificielle des mers, que certains espèrent faire financer un jour via le marché des "droits à polluer", pourrait aussi présenter des effets secondaires jusqu'ici négligés. Une étude, publiée dimanche 14 mars dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) montre que ces ensemencements pourraient induire des proliférations d'algues toxiques.

L'équipe canado-américaine qui a réalisé cette étude a mesuré la production d'acide domoïque, un neurotoxique, par une diatomée prélevée dans les eaux de l'est du Pacifique subarctique. Les chercheurs ont constaté que Pseudo-nitzschia turgidula produisait bien la toxine dans un environnement enrichi en fer, et que celui-ci favorisait sa multiplication face aux autres algues.

"Il s'agit de la première étude qui s'intéresse aux possibles effets secondaires induits par la fertilisation des océans, commente Stéphane Blain, de l'Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (CNRS-université Paris-VI). Jusqu'alors, ces impacts avaient été évoqués comme des hypothèses, mais sans conduire à des dispositifs expérimentaux." Charles Trick (University of Western Ontario) et ses collègues ont mis en culture des communautés d'algues pour étudier les effets de l'apport de fer.

En haute mer

Ce dispositif a permis de constater que la diatomée Pseudo-nitzschia turgidula pouvait secréter de l'acide domoïque même lorsqu'elle provenait de la haute mer. On estimait jusqu'alors généralement que ce phénomène ne touchait que les colonies inféodées aux régions côtières.

En outre, l'adjonction de fer et de cuivre "dopait" la production de neurotoxine plus que ne le faisait le fer seul. Or, si les particules de fer utilisées jusqu'ici dans les expériences d'ensemencement étaient exemptes de traces de cuivre, les chercheurs estiment que le passage à une échelle industrielle se traduira par l'emploi de minerais moins coûteux et moins purs.

Reste à conduire une évaluation de l'effet sur la chaîne alimentaire de la multiplication des diatomées toxiques. "Cette étude n'apporte pas de démonstration claire de la toxicité sur les différents niveaux trophiques", note Stéphane Blain. Lui-même a dirigé des observations dans des zones australes bénéficiant d'apports naturels de fer. Cette fertilisation était beaucoup plus efficace que les ensemencements artificiels, mais cette campagne océanographique n'avait pas mis en évidence la présence de diatomées toxiques. "Il est vrai que nous n'avons pas étudié en profondeur cet aspect, admet Stéphane Blain. Nous pourrions le faire lors de la prochaine mission."

S'ajoutant à un nombre croissant d'études montrant le faible rendement de la fertilisation des océans, l'étude de PNAS suggère que ce moyen de lutte contre le réchauffement "porte potentiellement de nombreux inconvénients", note M. Blain.

Hervé Morin

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