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L'actu Verte
2 juin 2010

Fin d'expédition pour "La Boudeuse"

"La Boudeuse" au large de la Guyane française, en 
février 2010.

La mission est avortée. L'expédition scientifique Terre-Océan, un des projets phares du Grenelle de la mer, et confiée à Patrice Franceschi, le capitaine de La Boudeuse, s'est arrêtée, mardi 1er juin 2010, à minuit.

Plus un sou en poche, rien que des dettes. Le trois-mâts parti de Brest début novembre 2009 aura parcouru à peine la moitié de sa route : traversée de l'Atlantique, étude du littoral de la Guyane française et arrivée au Venezuela, où il devait explorer le bassin de l'Orénoque. Il n'ira pas plus loin que Caracas.

Mercredi, il devait quitter le port vénézuélien pour rejoindre la base navale française de Fort-de-France, en Martinique. Et y être probablement vendu pour rembourser les créanciers. Un véritable désastre.

Tout avait pourtant commencé dans un bel enthousiasme. Le 7 janvier 2009, Patrice Franceschi recevait une lettre de mission du ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo, comme en son temps, le navigateur-explorateur Louis-Antoine de Bougainville obtint la sienne de Louis XV pour guider sa frégate La Boudeuse autour du globe, de 1766 à 1769. Un parallèle historique largement mis en avant par les pouvoirs publics.

Bougainville fut le premier navigateur français à emmener avec lui des "savants" et à s'aventurer sur les mers pour des raisons plus scientifiques que militaires ou commerciales. Terre-Océan s'inscrivait dans cette tradition de l'exploration maritime française "désintéressée".

LES DONS PROMIS NE SONT PAS ARRIVÉS

Grâce aux scientifiques embarqués à son bord, la mission de deux ans, soutenue officiellement par une douzaine de sponsors et huit partenaires techniques, devait aider à mieux évaluer l'impact du réchauffement climatique sur la planète et à sensibiliser les publics rencontrés lors du périple à une écologie plus humaniste.

La première année, la navigation visait les bassins des grands fleuves d'Amérique du Sud. Au cours de la seconde, il s'agissait de visiter les îles du Pacifique menacées par les eaux. Le tout pour un budget d'environ 2,5 millions d'euros.

BNP Paribas, partenaire depuis plus de quinze ans de La Boudeuse – de 2004 à 2007, le trois-mâts réalisa un tour du monde consacré aux peuples de l'eau – est aussi son sponsor principal (500 000 euros) dans la mission Terre-Océan, acceptant d'être le banquier de l'opération, avec l'ouverture d'une ligne de crédit équivalente "aux engagements de l'ensemble des partenaires".

Mais tous les dons promis ne sont pas arrivés. Et si la banque fut un relais de trésorerie pendant plusieurs mois, elle a décidé aujourd'hui d'arrêter cette fuite en avant : au total, à peine un million d'euros a été réuni.

UN COÛT DE 50 000 EUROS PAR MOIS

Du côté de l'entourage de Patrice Franceschi, on pointe surtout du doigt le ministère de l'écologie, qui serait revenu sur une promesse verbale d'aide financière de l'ordre de 500 000 euros, crise et restrictions budgétaires obligent. Aucun commentaire officiel, pour le moment, auprès du cabinet de Jean-Louis Borloo.

In fine, les dépenses engagées – La Boudeuse coûte, en expédition, 50 000 euros par mois en moyenne – et les dettes antérieures conduisent à un trou estimé de 400 000 euros. Sur le site dédié à l'expédition, Patrice Franceschi a écrit, mercredi 2 juin, "Le dernier mot du capitaine" afin d'expliquer à ses amis l'échec de la mission : "Sans doute, l'époque n'est-elle plus à ce type d'engagement et au rêve désintéressé (…). Vous l'aurez compris, les mathématiques comptables, inexorables et implacables dans leur roide froideur, ont fini par nous rattraper et nous imposer leur joug."

Désormais, le navigateur n'a plus qu'une idée en tête: tenter d'éviter de vendre La Boudeuse pour rembourser les créanciers. Mais, sans une aide ultime, il ne voit pas comment éviter que le trois-mâts, un des derniers navires traditionnels au monde à effectuer de grandes missions d'exploration, ne se retrouve sur le marché. L'élan épique de l'aventure sera alors épuisé.

Marie-Béatrice Baudet

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