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L'actu Verte
28 avril 2010

En Inde, la filière du recyclage échappe encore à tout contrôle

Un Indien cherche dans une décharge de New Delhi du métal et du 
plastique à vendre à des filières de recyclage.
AFP/MANPREET ROMANA - Un Indien cherche dans une décharge de New Delhi du métal et du plastique à vendre à des filières de recyclage.

Un travailleur exposé à des déchets radioactifs dans un quartier de recyclage de l'ouest de New Delhi, est mort, lundi 26 avril, deux semaines après avoir été contaminé. Six autres de ses collègues sont toujours hospitalisés dans la capitale indienne. Après l'inspection de plus de 800 ateliers du quartier de Mayapuri, huit sources radioactives ont été détectées par les scientifiques du département indien de l'énergie atomique (DEA) et par ceux du centre atomique de recherche Bhabha (BARC). La substance radioactive retrouvée, le Cobalt 60, est utilisée en médecine, pour la radiothérapie, et dans l'industrie.

La police ignore toujours la provenance de ces déchets qui pourraient avoir été importés. Aucun port du pays n'est en effet équipé en matériel de détection de matières dangereuses hormis le port Jawaharlal-Nehru, près de Bombay. Ce qui signifie qu'aujourd'hui un déchet radioactif peut être importé en Inde, ou exporté, sans être détecté. Or, entre le 1er avril 2008 et le 31 mars 2009, l'Inde a importé 104 742 tonnes de déchets et de ferraille en vrac de pays "non identifiés", d'après les informations du département indien du commerce extérieur. Le secrétaire d'Etat à la marine marchande a donc ordonné la semaine dernière l'installation de machines de détection dans les douze grands ports de marchandise du pays.

"Le laxisme indien en matière de contrôle des containers à ses frontières peut avoir de graves conséquences. Cela peut faciliter le trafic de substances létales, y compris pour fabriquer des bombes", s'est récemment inquiété le quotidien Times of India, dans un éditorial.

En octobre 2008, la société française Mafelec, basée à Chimilin (Isère), qui fabrique entre autres des composants pour ascenseurs, avait découvert qu'un colis de pièces métalliques en provenance d'Inde, émettait des rayonnements ionisants. En 2007, les douanes américaines avaient déjà refusé des cargaisons indiennes après avoir déterminé qu'elles contenaient du matériel radioactif.

La réglementation indienne en matière de recyclage des déchets dangereux, qui date de 2008, ne prend pas en compte le traitement des matières radioactives. Leur gestion est réglementée par la loi de l'énergie atomique de 1962, et relève d'autorités distinctes. Le département indien de l'énergie atomique oblige seulement les hôpitaux à déclarer auprès de leur administration, les équipements contenant du matériel radioactif. "Mais les règles ne sont pas respectées, car il n'y a pratiquement aucun contrôle", regrette Satish Sinha, directeur adjoint de l'ONG environnementale Toxiclinks. Une étude publiée le 12 avril par l'Institut indien de management de Lucknow indique que seule la moitié des déchets des hôpitaux est traitée conformément aux lois en vigueur. L'ONG Toxiclinks propose que les fabricants aient l'obligation de recycler leur propre matériel.

En Inde, le recyclage des déchets est le monopole du secteur informel. La complexité de la filière, avec ses nombreux intermédiaires et ses milliers de petits ateliers, rend quasi impossible toute traçabilité. L'absence d'infrastructures et de normes de sécurité dans le secteur constitue une autre menace qui pèse sur l'environnement et la santé des travailleurs. L'un des plus grands centres de recyclage des déchets plastiques d'Asie, situé en périphérie de New Delhi, a été détruit par un incendie dans la nuit du 11 au 12 avril. Entre 400 et 500 ateliers dispersés sur 27 hectares collectaient, triaient et recyclaient des déchets plastiques venus d'Inde, d'Europe ou des Etats-Unis.

Le feu, qui n'a fait aucune victime, s'est vite propagé sur les montagnes de détritus, entassés à l'air libre, dans des terrains vagues séparés par de petits murs de brique. Les ateliers de recyclage avaient déjà été détruits par un incendie, en 1995, dans le quartier de Jwalapuri. "Combien d'autres catastrophes va-t-il falloir pour que l'Etat se mette sérieusement à installer des infrastructures pour le recyclage ?", s'interroge Satish Sinha. Les ouvriers nettoient les déchets avec des solutions chimiques rejetées à l'air libre, puis les brûlent, souvent sans masque de protection.

Le pays est l'une des destinations de recyclage les moins chères d'Asie, ce qui lui permet d'importer des déchets du monde entier. "Si l'Inde recycle autant de déchets, c'est parce que l'Occident en produit beaucoup", précise Sunita Narain, directrice du Centre pour la science et l'environnement (CSE). Quelques initiatives ont eu lieu, notamment à Bangalore, pour sortir les recycleurs du secteur informel, mais elles restent marginales. "La filière emploie surtout des travailleurs pauvres, peu qualifiés. Le gouvernement est réticent à imposer des normes strictes, car des milliers d'emplois pourraient être sacrifiés", explique Sunita Narain.

Julien Bouissou

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