Marée noire : en Louisiane, les habitants se préparent au pire
Dans le parking qui affiche habituellement complet tous les week-ends, seules quelques voitures chauffent au soleil. Les hamacs tendus face à la mer se balancent, vides. Et les pêcheurs désoeuvrés scrutent un horizon devenu menaçant. Hier après-midi, à la marina de Venice, sur le delta du Mississippi, personne ne crie, personne ne se révolte.
Habitants et commerçants
attendent de connaître l’évolution de la marée noire. En quelques
heures, celle-ci est passée de menace à réalité, souillant les côtes de
Louisiane (où le président
américain est attendu aujourd’hui) et s’approchant d’autres Etats. « On
attend et on croise les doigts, résume Parril, jovial propriétaire d’un
bar et de trois bateaux de pêche. Personne n’est capable de prédire à
long terme les conséquences de la catastrophe. » « Ça n’aurait pas pu
être pire », ajoute le capitaine d’un bateau qui joue nerveusement avec
une épuisette en regardant le ballet des hélicoptères. A quelques
kilomètres de là, l’ambiance est bien plus électrique. Il est 14 heures
et la BP Oil, la compagnie
de pétrole à
l’origine de la marée noire, organise une réunion avec les pêcheurs de
la région pour les inciter à nettoyer les eaux souillées. « Au lieu
d’aller à la pêche, nos bateaux vont maintenant chasser le pétrole,
explique fataliste, Herman, 35 ans, pêcheur à Venice, venu à la réunion.
Evidemment j’en veux à cette compagnie de pétrole, reprend Herman, père
de deux enfants et spécialisé dans les crevettes et les crabes. Mais
ce qui est fait est fait. Il faut regarder devant, je suis volontaire
pour nettoyer et vite. » Pourtant, dans le gymnase, où environ 300
pêcheurs remplissent des questionnaires de candidature, personne ne sait
quand commenceront les opérations. « Le plus vite possible », promet
une porte-parole de BP, qui dit comprendre « la catastrophe vécue par
les habitants ». « Nous avons besoin d’un maximum de volontaires. Nous
en avons aujourd’hui 1 000 qui ont répondu à notre appel. »
« Ce sont de belles paroles, mais aucune date n’a été fixée, déplore
Tong Vo, 45 ans, pêcheur à Venice depuis vingt-trois ans. Et de toute
façon, pour cette année, les crevettes, c’est fichu, comme les huîtres…
Tout va mourir. En attendant le retour à la normale, je ne sais pas qui
paiera mes factures. J’ai déjà perdu mon bateau avec l’ouragan Katrina,
en 2005. Je n’avais pas besoin de ça, comme personne ici. »
Mary acquiesce. Elle prend la parole à la place de son mari, trop
dévasté pour s’exprimer. « La pêche, c’est toute notre vie,
chuchote-t-elle. Mon mari a commencé à 12 ans. Les enfants veulent
reprendre le navire et là… tout va peut-être être détruit. Je ne peux
dire qu’une chose : nous avons peur. » Le vent qui porte depuis deux
jours l’odeur un peu âcre du pétrole, lui, continue de souffler.
VIOLETTE LAZARD