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L'actu Verte
21 mai 2010

Climat : l'Académie des sciences américaine veut agir

Lutter contre le réchauffement, mais comment ? Alors que l'Académie des sciences américaine a rendu public, mercredi 19 mai, un volumineux rapport soulignant la nécessité d'une action rapide et forte, un groupe d'universitaires réunis par la London School of Economics propose de changer radicalement les politiques de lutte contre le changement climatique. Dans un document rendu public le 11 mai, baptisé "Hartwell Paper" et cosigné par quatorze économistes et climatologues, il suggère notamment de rompre avec la culpabilisation des gros émetteurs de CO2 qui prévaut actuellement.

Un programme de recherche en géo-ingénierie, lancé par des scientifiques d'universités nord-américaines et britanniques, vient de recevoir le soutien financier de Bill Gates, le fondateur de Microsoft. Baptisé Silver Lining Project, il consiste à étudier l'impact de certaines particules sur la couleur des nuages. A terme, des bateaux, capables d'extraire de tels aérosols dans l'eau de mer puis de les vaporiser au-dessus des océans, pourraient partiellement "blanchir" la couverture nuageuse terrestre. Celle-ci réfléchirait ainsi une plus grande quantité du rayonnement solaire incident.

Généralement très controversés, les projets de géo-ingénierie atmosphériques sont au coeur de nombreuses questions. Pour certains chercheurs, de telles interventions pourraient modifier les courants marins, ou encore perturber les régimes pluviométriques de régions pourtant distantes des zones d'expérimentation. De telles expériences ne sont pas, aujourd'hui, légalement encadrées.

Le rapport de l'Académie des sciences américaine pourrait être interprété comme une volonté des scientifiques de peser sur la destinée du projet de loi énergie-climat, dont la dernière version vient tout juste d'être présentée au Sénat américain. En réalité, la haute instance scientifique ne fait que répondre à une requête du Congrès formulée en 2008. Pour la première fois, les parlementaires demandaient conseil aux scientifiques américains les plus réputés sur la question climatique.

Leur réponse tient en trois volets. A l'instar des rapports du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), le premier volet concerne le diagnostic scientifique. Les deux autres traitent des moyens à mettre en oeuvre pour limiter le réchauffement et s'y adapter.

Le premier propos de l'Académie est de réaffirmer les principales conclusions du GIEC, à savoir "que le changement climatique est une réalité, qu'il est principalement le fait des activités humaines et qu'il pose des risques significatifs pour un large éventail de systèmes naturels et humains". Ces travaux, qui ont mobilisé environ 90 chercheurs pendant près de deux ans, précisent que "les incertitudes sur la magnitude des effets (du réchauffement) et sur la rapidité à laquelle ils surviendront n'est pas une raison pour attendre avant d'agir".

Comment ? Le rapport des académiciens ne donne pas d'objectif précis. Il considère néanmoins qu'entre 2012 et 2050, un total des émissions américaines compris entre 170 et 200 milliards de tonnes (Gt) de dioxyde de carbone (CO2) est un objectif "raisonnable". C'est, grosso modo, celui de l'administration Obama. Par comparaison, les Etats-Unis ont émis, en 2008, 7 Gt de CO2.. A ce rythme, le quota proposé par l'Académie serait atteint avant 2040.

Mais faut-il en rester à des réductions des émissions ? Les académiciens américains préconisent aussi, entre autres, la mise en place de programmes de recherche sur des systèmes d'ingénierie climatique.

Très controversés, ces dispositifs consistent à tenter de jouer sur les effets du réchauffement plutôt que sur ses causes. Ce peut être, par exemple, par l'injection de particules soufrées dans la stratosphère pour bloquer une partie du rayonnement solaire et faire ainsi baisser artificiellement les températures.

Les auteurs du "Hartwell Paper", du nom du lieu où ils ont été réunis par la London School of Economics, préconisent pour leur part de ne plus se focaliser uniquement sur la réduction des émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement. Selon eux, la "décarbonisation" de l'économie ne pourra se faire qu'en fixant des "objectifs concrets et politiquement séduisants".

"TAXE CARBONE"

Pour ces économistes américains, japonais et européens, le premier objectif serait de fournir une énergie bon marché et peu émettrice en CO2 au milliard et demi de personnes qui n'ont pas accès à l'électricité. Comme les académiciens américains, ils suggèrent de développer massivement la recherche en faveur des énergies renouvelables et, pour financer cet effort, recommandent l'introduction d'"une taxe carbone, aussi élevée que possible sans que l'opinion la rejette". Ce qui, n'omettent-ils pas de reconnaître, ne sera pas facile, comme l'a montré "l'abandon de la proposition française en mars dernier".

Le "Hartwell Paper" suggère d'autres pistes permettant de concilier la lutte contre le réchauffement et l'amélioration des conditions de vie. Comme, par exemple, une action forte pour éliminer les émissions de suies - responsables d'une part du réchauffement en cours mais aussi du décès de 1,8 million d'individus chaque année dans le monde. De même, la chasse au méthane et à l'ozone dans la basse atmosphère permettrait de réduire la pollution de l'air.

"Nous pensons qu'il faut commencer par des actions susceptibles de rallier le plus grand nombre et permettant d'obtenir les résultats les plus rapides", concluent les auteurs, pariant que ce pragmatisme sera plus efficace que l'approche onusienne, fondée sur la culpabilisation des gros émetteurs de carbone.

Laurence Caramel et Stéphane Foucart

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